Kyôsôgiga : l’anime du futur débarque DANS TA FACE !14 décembre 201119 décembre 2011Tetho

J’ai toujours considéré la Toei comme un gigantesque incubateur de talents. Le studio produit en moyenne entre quatre et cinq épisodes par semaine, ce qui les force a avoir énormément de personnel pour les réaliser et permet de vite mettre des débutants à des postes important pour les former par la pratique. Les faits le prouvent, parmi les grands réalisateurs qui ont débuté ou se sont formés à la Toei on trouve Satô Jun-Ichi, Igarashi Takuya, Ikuhara Kunihiko, Rintarô, Yamauchi Shigeyasu, Takahata Isao, Hosoda Mamoru et Miyazaki Hayao. Excusez du peu.
Et je vous le dis haut et fort, le prochain nom à rejoindre cette liste est celui de Matsumoto Rie.

Cette jeune réalisatrice de 26 ans qui se revendique de Hosoda Mamoru et dont la carrière jusqu’à peu se résumait presque entièrement à du Pretty Cure (avec quelques très bons épisodes sur Fresh notamment) a crevé l’écran en octobre 2010 en réalisant le film de Heartcatch Precure!, véritable perle qui brille comme peu au sein de la méta-franchise de magical girls. Et depuis ce film je ne pense que du bien d’elle et est persuadé que d’ici 10 ans elle aura sa place chez les grands réalisateurs d’anime en devenir. Alors forcément l’annonce que sa réalisation suivante serait un anime original ne pouvait que m’enchanter, on allait enfin pouvoir mesurer concrètement l’étendue de son talent. Surtout que le pilote diffusé en juin dernier envoyait du très lourd. Le hype était à son comble, pour moi tout du moins.
Et depuis la semaine dernière, l’anime est enfin disponible gratuitement sur Youtube, Nico Nico Dôga et Bandai Channel (ce dernier ne diffuse pas à l’étranger, il faudra se contenter des deux autres) mais sans sous-titres.

Dans un Kyôto alternatif, Koto et ses deux frères combattent les forces du professeur Shôko afin de mettre la main sur le lapin blanc et de pouvoir rentrer chez eux. Si toutefois c’est possible…

L’anime s’ouvre sur un extrait du poème final de Through the Looking-Glass de Lewis Carol, le message est clair : l’œuvre qui va suivre n’est pas faite pour être perçue via le prisme du sens commun, bien au contraire : ça va partir dans tous les sens sans chercher à être logique.
Et les 5 premières minutes de l’anime font ça à merveille, tel un FLCL du 3e millénaire Kyôsôgiga nous offre un spectacle d’un dynamisme inouï. Ça bouge dans tous les sens, les formes se gonflent, se plient, se déforment constamment lors de cette course-poursuite dantesque dans les rues (et sur les toits) d’une sorte de cyber-Kyôto. Les couleurs pètent, il n’y a pas de temps mort et ça ne ressemble à rien de connu… Le pied de bout en bout. L’animation japonaise existe clairement pour donner naissance à des œuvres comme celle-là qui, pour reprendre les termes d’un ami, sont des anime plus anime que l’anime.

Puis arrive la suite, et là ça se gâte un peu. Bien sûr la réalisation reste impeccable, avec plein d’idées géniales de partout histoire de nous rappeler que les gimmicks de Shaft ne sont presque toujours que des cache-misères, le tout servi par un storyboard et des cadrages au poil. Certains plans ont des ambiances vraiment soignées, et l’animation n’est jamais à la traine. Tout le bien qu’on a pu penser de Matsumoto Rie se révèle juste.
Mais côté narration c’est la débâcle, comprendra qui pourra ce foutoir innommable qui part dans tous les sens. On comprend que le triumvirat veut rappeler Dame Koto dans ce Kyôto en utilisant Koto et que les deux Koto sont justement liées l’une à l’autre. Mais avec tout le monde qui passe son temps à s’affronter avant de comploter ensemble et comme certains personnages comme Hakuran (le jeune garçon au masque de renard) ne semblent être là que pour faire acte de présence, difficile de trouver un sens à tout cela, même en gardant en tête l’introduction qui nous incitait à laisser notre logique à l’entrée. Même la réalisation postmoderne/non cartésienne ne réussit pas à nous convaincre que c’est volontaire. J’ai déjà vu trois fois la chose, je serais bien incapable d’expliquer clairement ce qui s’y passe et pourquoi. À tel point que chaque fois qu’un personnage se demande ce qui se passe ou dit qu’il ne comprend rien j’y vois un méta-commentaire sur l’anime lui-même.

Et c’est là que se trouve fondamentalement le problème de cet ONA : son fantastique pilote se révèle finalement un anime plus appréciable. Surtout qu’une partie de ses meilleurs plans et sa fantastique BGM ne sont pas dans l’épisode final.

Si on en croit l’annonce à la fin de l’épisode, la suite devrait arriver en mars prochain, probablement sous la forme d’une série TV. Même s’il semble impossible que la Toei maintienne une telle qualité à la fois technique et de réalisation pendant environ 12 épisodes. Un film pourrait être plus intéressant artistiquement parlant, mais qui irait voir ça en salle tant on touche à un produit de niche. Et les OVA ne sont pas vraiment dans la culture du studio. En tout cas il faut espérer que cette fois les enjeux soient plus clairs, sous peine de voir Kyôsôgiga rester une anecdote aussi étincelante que brève dans le flot d’anime qui débarquent chaque année.

En attendant oubliez Redline qui passe son temps à regarder le passé dans le rétro ou bien Cencoroll et son pudding tout mou, l’anime qui nous vient tout droit du XXIIIe siècle par excellence est là et c’est Kyôsôgiga.

Kyôsôgiga est © Toei Animation/Kyôsôgiga Project