Gundam 0080 : Un jour, j’atteindrai les cieux8 février 20119 mai 2011Tetho

La fin des années 80 était une très bonne période pour être animefan au Japon, et surtout fan de robot et de science fiction.  Honneamise, Akira et Gyakushû no Char avaient les honneurs des salles obscures, à la télé étaient diffusés des Dragonar, Dirty Pair ou God Mars, quand aux OVA elles connaissaient un age d’or avec des titres comme Top wo Nerae!,  Bubblegum Crisis ou les compléments à VOTOMS, et cerise sur le gâteau, la franchise Patlabor était omniprésente sur les 3 formats. Au milieu de tout ça les 6 épisodes de Kidô Senshi Gundam 0080 : Pocket no naka no Sensô passerait presque inaperçu

L’Uncyclopedia nous présente Kidô Senshi Gundam 0080 comme « La première série [de la saga] auquel le créateur de Gundam, Tomino Yoshiyuki, n’a pas participé. Et pour cela elle est considérée par beaucoup comme le meilleur Gundam jamais créé. ». Derrière la formule cinglante se cache pourtant une vérité : c’est probablement parce que Le Grand Chauve n’a pas été impliqué dans sa création que cette série d’OVA est si réussie. 0080 a en effet été le premier anime Gundam à s’éloigner des thèmes de la saga originale de Tomino en abandonnant les batailles de grande ampleur, la politique à l’échelle spatiale et les thématiques propre au concept de newtype pour se concentrer sur le sort d’une poignée de personnages pris dans la tourmente d’une escarmouche qui n’eut aucune influence sur le conflit dans laquelle elle se place.

Le réalisateur de ces OVA, Takayama Fumihiko, est un cas à part dans l’animation japonaise. A l’image d’un Kitakubo Hiroyuki, bien que son talent soit clairement reconnu, il restera toujours dans l’ombre, incapable de percer malgré des réalisations salués unanimement. Il débute sa carrière sur la série TV de Macross, où il réalisera ou storybordera 11 épisodes (sur 36 !), dont les épisodes 1, 4, 6, 11 et 18, tout les cinq parmi les préférés des fans. Il réalisera la 7eme OVA de Bubblegum Crisis, passant juste après Obari Masami sur la série. Après 0080 c’est l’épisode 21 de Nadia qu’il réalisera, encore un épisode clef. Même parmi la poignée d’épisode de Magical Emi qu’il a réalisé on trouve certain des meilleurs de la série. Mais il se fera surtout connaitre de certains fans en prenant en main des franchises de robot célèbres, Gundam, Orguss et Patlabor, excusez du peu, et en donnant une vision différente de ce qu’elles étaient jusque là. Passons sur Gundam 0080 à qui est dédié ce billet, son Orguss 02, dont il signe aussi le scénario est un habile rebondissement sur les bases d’une série TV qui peinait à être plus que juste moyenne, et WXIII Patlabor the movie 3 est un film qui est très loin de démériter, malgré ce que que peut penser la partie du fandom occidental qui n’a connue Patlabor que via les films d’Oshii Mamoru et n’a donc qu’une vision partiel de ce qu’est la franchise. Depuis il s’est orienté vers l’écriture de scénario, son travail le plus notable à ce niveau est celui du film Stranger Mukô Hadan, d’Andô Masahiko. Il a été scénariste en chef sur Gunparade March, Yomigaeru Sora et, plus surprenant, l’adaptation du manga Aoi Hana de Shimura Takao. Il a enfin signé les scénarios de trois épisodes des séries Tetsuwan Birdy Decode, et deux de RahXephon, dont le 19eme considéré généralement comme un des pinacle de la série avec le 15eme signé Iso Mitsuo. Arrêtons là le name dropping, le talent de Takayama est indéniable et vu les succès qui ont pavés sa carrière il est surprenant qu’aucun ne fut une porte vers d’autres projets porteurs et une reconnaissance plus large.

Le scénario des OVA est signé Yûki Kyôsuke, romancier japonais apparemment spécialisé dans l’humour et la SF et dont ça semble être le seul travail direct sur un anime (il signera aussi la novélisation de 0080). Le script des 6 OVA est lui par contre de Yamaga Hiroyuki, actuel PDG de la Gainax. Si à la vue de ce que Yamaga a été ces dernières années c’est un choix qui a de quoi surprendre, il ne faut pas oublier qu’en 1989 il était encore le jeune créateur et réalisateur d’Honneamise, et de par cela il ne pouvait y avoir de meilleur choix que lui pour ce poste. Difficile de savoir ce que l’on doit précisément à qui dans le script final, mais force est de constater que c’est un script très efficace et sans fioritures. Il n’y a pas de scène « en trop », les fins d’épisodes se terminent toujours sur un cliffhanger (même si parfois facile comme à la fin de la 3eme OVA) et aucune sous-intrigue ne s’égare… Mais surtout ils offrent à la saga son seul titre totalement character driven, une presque anomalie dans une franchise qui aime écrire l’Histoire avec un grand H.

Le charadesign est signé Mikimoto Haruhiko, alors dans la période entre le film de Macross et Macross II qui marque le sommet de son art. A coté de ces travaux ou de Top wo Nerae! le charadesign de 0080 peut sembler mineur, mais il reste une réalisation solide et disposant d’une palette de personnages variés. De la très féminine Chris au vétéran Steiner Hardie en passant par le bôgoss Garcia on a pas mal de « gueules » pleines de personnalités. Mikimoto retravaillera par la suite régulièrement sur Gundam, que ce soit pour le charadesigns d’attractions de parc (Green Divers et Gundam The Ride) ou bien des illustrations pour des animes ou romans (il a récemment refait les illustrations de Gundam Unicorn, originellement réalisées par Yasuhiko Yoshikazu, pour la réédition dans la collection Sneaker Bunko). Mais sa contribution la plus significative à la saga est le manga, encore en cours de publication, École Du Ciel, version Gundam de Top wo Nerae! croisée avec le vilain petit canard. Une partie significative mais non exhaustive de son travail pour Gundam a été compilé dans l’artbook Into The Sky dont FFenril nous a déjà parlé.

Le mecha design a été réalisé par Izubuchi Yutaka, autre artiste alors au sommet de sa carrière, il venait de créer les robots de Gyakushû no Char (où il a remplacé au pied levé Nagano Mamoru, viré par Bandai) parmi lesquels se trouvent les cultismes Nu Gundam et Sazabi, avait conçut l’armure emblématique de la Keroberos Saga (Jin-roh) et était en plein travail sur Patlabor avec ses confrères d’Headgear. Et dans les années qui allaient suivre il allait travailler sur les personnages de Lodoss Tô Senki (Deedlit~). Son travail de design sur 0080 fut très important et, comme j’y reviendrais plus tard, déterminant pour l’orientation future de l’UC.

Le scénario de la série est totalement centré sur le duo Alfred/Bernard, ce sont les interactions de ces deux là avec le reste des personnages qui vont faire avancer l’histoire. D’un coté on a Al, enfant un peu laissé à lui même depuis la séparation de ses parents et qui rêve d’une guerre qui lui semble lointaine et irréelle, de l’autre Bernie, pilote débutant bombardé au sein d’une unité d’élite où on lui fait bien comprendre qu’il est une pièce rapportée. La rencontre entre ces deux là ne pouvait qu’aboutir à la création de lien, Al devient pote avec un vrai soldat et s’imagine membre d’une unité de Zeon, Bernie lui rencontre un gamin qui l’admire sincèrement, même si un mensonge s’y cache, et lui fait sentir une certaine satisfaction dans son rôle. Plus généralement ils vont vite avoir une relation très fraternelle qui va très vite leur faire oublier le vrai rôle de l’unité Cyclops.

Car tout dans le scénario joue entre la dualité de moments légers (comme l’infiltration de la base de la fédération, vécue comme un jeu par Al), et de brusques rappels à la réalité (la fin de l’OVA 4, moment clef de la série). La guerre n’est pas un jeu, et surtout pas pour les enfants, est clairement le message que la série véhicule de manière de plus en plus insistante dans des moments ambigus qui petit à petit vont priver Alfred de son innocence. Ça commence avec la fausse plainte d’Al, moment qui ne tourne pas au drame car il a la présence d’esprit de désamorcer la situation avant qu’il ne soit trop tard, et continue tout le long jusqu’à l’affrontement final (où des machines de guerre détruisent des Pères Noël, la métaphore est on ne peut plus pertinente). La scène où Al voit ses amis s’amuser à récupérer les douilles vides tombées des MS lors de la bataille alors que lui sait ce qui s’est réellement passé et a connu une partie des personnes mortes.
De manière plus subtile et cette fois désabusée, la scène où le Lieutenant Steiner discute avec le vieux barman qui lui sert d’informateur est remarquable. Au delà du regard lucide du vétéran sur le combat perdu d’avance qu’il mène, il y a cette humanité comme on en avait jamais vu chez les forces de Zeon. On savait depuis Ramba Ral que ce n’étaient pas tous des monstres de nazis de l’espace prêt à gazer les colonies avant de les faire chuter sur terre, mais là ils y gagnent bien plus en nuance. La scène de l’OVA 5 où le barman refuse de quitter la colonie car il se dit trop vieux et aime cette colonie se place dans la continuité cette discussion.

Au final dans cette histoire les Mobile Suits sont donc en retrait, 3 batailles majeurs en 6 OVA c’est peu, mais ce sont à chaque fois des moments clefs de la série. Libéré des contraintes d’une série TV qui doit se financer en vendant des maquettes, 0080 utilise les combats de MS au service de son intrigue au lieu d’utiliser son intrigue pour justifier de montrer des combats de MS. Pour autant ces affrontements ne sont pas traités par dessus la jambe, ce sont chacun des perles, aussi bien au niveau de la mise en scène que de l’animation (Iso Mitsuo, futur créateur du génial et sous-estimé Dennô Coil, fut responsable de la bataille de la première OVA), qui font honneur à la franchise Gundam.

On notera quand même 2 plot holes majeurs dans le scénario :
Show ▼

Mais revenons aux robots, comme dit plus haut 0080 fut une étape importante pour la franchise au niveau du mecha-design. Format OVA oblige, les Mobile Suits présentes dans 0080 allaient être bien plus détaillées et mieux animées que celles de la série TV diffusée 10 ans auparavant. Izubuchi fut chargé du redesign, mais au lieu de bêtement considérer que les MS refaites étaient les mêmes que celles de la série TV Bandai et la Sunrise en firent des modèles à part entière, variations des originaux. Leur intérêt dans l’histoire est évident, de nouvelles MS signifient de nouvelles maquettes à vendre
Ce n’est certes pas la première fois que des variations sur des MS existantes seront créées, la série de maquettes MSV (Mobile Suit Variation) existe depuis les débuts de la franchise et des spin-off comme Gundam Sentinel ont eux aussi apportés leurs lots de redesign. Mais là c’était pour la première fois intégré à un anime, soit le canon absolu pour la franchise. Et cela fera école, toutes les OVA de l’UC verront des MS bien connues se faire customiser, et ça ne s’arêtes pas à l’UC, Endless Waltz et Stargazer eux aussi participeront à cet effort pour empêcher Bandai de manquer de matière à vendre des maquettes.

Le redesign le plus moche de 0080 : la deux chevaux de Bernie

Mais à coté de  ça il y a quand même des créations originales, ou presque. Le RX-78 NT-1 Alex est une réimagination très intelligente du Gundam original. Pensé avec comme thème « de quoi Amuro aurait il eut besoin si on lui avait construit un Gundam sur mesure ? », il intègre dès la guerre d’un an des technologies qui ne seront généralisées que des années plus tard, comme le cockpit panoramique. Équipé aussi d’une épaisse armure optionnelle, c’est un mastodonte capable d’encaisser directement une série d’explosion de charges anti-MS, mais aussi un robot sur-armé cachant des gattlings jusqu’à dans ses avant-bras. Pas étonnant que même une pilote d’essai inexpérimenté comme Chris pu vaincre avec. Même si il était trop avancé pour elle, ce Gundam restait un monstre sur le champ de bataille.
De son coté le Kämpfer semble mélanger différents éléments pris à plusieurs MS de Zeon et apparait comme plus original. Créé pour le hit & run, cette MS élégante a toujours été une des préférées des fans même si elle n’a pas vraiment le temps de briller à l’écran. Elle prendra sa revanche dans différents jeux vidéo où elle tend à être plutôt puissante.

Au final, si l’enjeu de la création de Kidô Senshi Gundam par Tomino en 79 était la désacralisation du robot au profit du drame humain, alors Gundam 0080 est le plus gundam de tous les Gundam. Et si il n’est pas forcément le meilleur opus de la saga, il est avec Kidô Butôden G Gundam et ∀ Gundam un des Gundam différents, de ceux qui s’éloignent des canons de la saga pour oser quelque chose d’autre. Et par conséquent il aussi fortement recommandable à ceux qui ont des problèmes avec Gundam, parce que justement ils y trouveront peut être ce qui leur semble manquer au reste de la franchise.

———————————————————————

Dernier membre de notre groupe à publier, et atrocement en retard pour des raisons sur lesquelles je ne m’attarderais pas, il me revient l’honneur du bilan final du « projet 0080 » lancé par nyo.
Le bilan est très positif, sur 12 participants 7 auront publiés à temps, je suis le 8eme, ce qui fait un ration de 2/3 de participants étant allés jusqu’au bout ou presque. Puis nous avons été rejoint par neokenji qui a spontanément écrit sur la série à cette occasion. On aura pas échappé à un peu de drama, entre ceux qui n’ont pas aimé le flood de billets sur 0080 dans leurs flux RSS et ceux qui se sont sentis mis de coté, mais au diable ces grincheux, les retours ont prouvés que l’expérience aura poussé un certain nombre de personnes à voir ces OVA, même si elles avaient quelques à priori sur Gundam. C’était le but avoué du projet et ça salue donc son succès.

Les autres billets à lire sont donc :
-nyo : War, war never changes…
-FFenril : La guerre est un jeu d’enfant
-Excelen : Noël, Gundam et la guerre dans la poche
-Kabu : La guerre c’est dans la poche
-Jonas : Pourquoi Christina MacKenzie mérite notre respect !
-Segfault : Le robot, le rêve
-neokenji : En 1989 débarquait la Guerre de Poche

De mon coté je m’excuse auprès de mes compagnons d’avoir mis 6 semaines pour terminer ce billet, ils en savent les raisons et j’espère qu’ils ne m’en tiendront pas rigueur. Et espère les retrouver pour d’autres projets du genre, car après tout c’est comme ça que l’on formera une blogosphère forte.


Pleure pas Gemini, y en aura d’autres des projets inter-blogs sans toi !