Ô jeunes filles qui avez oublié vos rêves !8 août 20108 août 2010Tetho

En lisant des billets de blog ici et , notamment pour préparer une critique du film de Nanoha (comptez pas trop dessus quand même), je me suis rendu compte que mes pires craintes sur l’évolution du genre Magical Girl étaient belle et bien avérées : pour la quasi totalité du fandom anime actuel Magical Girl est synonyme de combattante magique. Et ce n’est pas triste, c’est désespérant.

Lors de la dernière Japan Expo, lors de la conférence sur le film de Nantoka, j’ai posé à Mishima Akio (producteur sur l’ensemble de la franchise) une question sur cette évolution, sur ce qu’il pensait du glissement de filles qui protégeaient les rêves des autres ou réalisaient les leurs à des gothic lolitas puissantes comme des Super Sayans ou des Gundams déguisés en fillettes de primaire. Une traduction discutable plus tard je me vois répondre que le genre « Magical Girl » n’existe même pas, et qu’il y a juste « eu beaucoup d’animes avec des thèmes communs, de la magie et des jeunes filles ». Réponse guère satisfaisante, même malgré les problèmes de traduction, de la part d’un producteur qui travaille depuis plus de 5 ans sur des séries appartenant clairement à ce genre clef pour l’animation japonaise, mais cela explique peut-être certains choix discutables que l’on retrouve dans les différents opus récents de Nanoha.


Nanoha et Sakura par Chobipero (pixiv)

La transformation en combattantes des magical girls n’est pas récente, Sailor Moon approche de ses 20 ans et on en trouve des traces dès 73 avec Cutie Honey, et bien d’autres ont suivi dans cette brèche de Wedding Peach à Nurse Angel Ririka SOS. Et il y a eut depuis de nombreuses séries avec des Magical Girls non combattantes, d’Ojamajo Doremi à Fancy Lala en passant par Princess Tutu. Mais ces dernières années la tendance s’est accélérée et les combattantes magiques écrasent les autres « types » de magical girls, d’ailleurs en réfléchissant bien même Card Captor Sakura, série sans réel antagoniste, est quand même largement basée sur le combat ou tout du moins l’affrontement. Dans les séries récentes il n’y a guère que des séries mineures comme Hime-chen! pour éviter cette tendance, même Okusama ha Mahô Shôjo – Bewiched Agnès, série hommage avec une méta-réflexion sur le genre, a évité d’aborder le sujet et présentait les deux aspects côte-à-côte comme si de rien n’était.
Difficile de mettre l’index pile là où ce shift a eu lieu, mais j’aime pointer l’année 2004, année du début des deux grosses franchises actuelles du genre : Pretty Cure et Nanoha.

Et ce changement est bien regrettable, car en plus d’accentuer l’otakuisation basique du genre, il tend à faire oublier ce qu’ont été les magical girls d’antan et ce qu’elles représentaient. À cette époque les enjeux des séries étaient bien plus modestes que le sort de la Terre, l’héroïne y essayant de vivre son rêve, ou devant faire ses preuves en tant que magicienne souvent en aidant une personne ou en exorcisant ses démons intérieurs. Et pourtant ça n’empêchait pas les séries de parler de sujets graves, Minky Momo ou Ojamajo Doremi ont des épisodes incroyablement touchants sur le thème de la mort.
De manière générale la magical girl était (et est encore parfois) une métaphore du passage vers l’âge adulte : la jeune fille abandonnant souvent ses pouvoirs afin de grandir et de régler ses problèmes par elle-même et non plus par magie. Je ne citerai pas de noms de séries pour éviter les drames, mais certaines de ces fins sont simplement fantastiques.


Cure Black et Cure White par Gokuo (pixiv)

Je ne vais pas non plus appeler à la disparition des combattantes magiques, je suis un grand fan des franchises Pretty Cure et Nanoha, mais quand même en voyant la Magical Girl se restreindre à ce sous-genre je ne peux que déplorer la perte de diversité du genre qui ensuite tend à simplifier son image. Il convient néanmoins de noter qu’après 6 années de bourinage intense de streums, Heartcatch, le Pretty Cure de cette année, s’intéresse aux problèmes de ses personnages secondaires (dont les états d’âme servent à créer les monstres) et c’est par le combat que les héroïnes leur permettent de les vaincre et de repartir du bon pied. C’est pas tout à fait ça mais ça va dans la bonne direction, on sent la présence d’une bonne partie du staff de Doremi aux commandes.

Mais je ne perds pas espoir. Si les aventures des sorcières maladroites sont finies pour de bon, il y a en ce moment un revival très fort de Creamy Mami au Japon et Takada Akemi a avoué lors de sa visite à la Japan Expo travailler sur un projet destiné aux petites filles avec un producteur avec qui elle travaille de longue date, mais aussi en 2012 ce sera les 30 ans de Minky Momo et cela fait déjà un moment qu’un site internet monté pour l’occasion nous fait miroiter l’idée d’une nouvelle série…
Alors que ce soit un remake de Creamy, une nouvelle Magical Idol, le retour de Momo ou tout simplement une création originale qu’on n’attend pas, je suis sûr que la vraie magie des magical girls saura faire son retour. Il ne restera plus qu’à espérer que ça fasse école et que le genre se diversifie à nouveau.

Card Captor Sakura est © CLAMP·KODANSHA·NHK·NEP
Mahô Shôjo Lyrical Nanoha est © Nanoha PROJECT
Futari ha Pretty Cure est © ABC – Toei Animation