Hyôka : Ice Crime6 octobre 20126 octobre 2012Tetho

Durant les 6 derniers mois Hyôka aura été une démonstration de force de plus de la part de Kyôto Animation. Aussi bien sur la mise en scène que sur la partie technique, la série était impeccable, storyboards aux poil, animation soignée et pas un seul plan hors-modèle, un régal pour les yeux du début à la fin. Elle se permettait même quelques expérimentations réussies, notamment avec le film amateur du second arc, et avait des effets de focale très réussis. On pourra toujours pinailler en signalant qu’animer ce genre de personnages moe aux designs économes en lignes est autrement plus simple qu’animer un robot ou un dragon, mais reste que Kyoani est aujourd’hui le seul studio capable d’assurer un tel niveau de production avec une telle constance et une telle régularité.


Les scènes où Hôtarô fantasmait l’insistance de Eru étaient parmi les plus réussies de la série,
dommage qu’elles se fassent de plus en plus rare au fil de la série. Il y a là une évolution notable de la mise en scène.

Mais dans le fond Hyôka n’était qu’une histoire de club scolaire de plus, un type de récit que KyoAni maîtrise tellement qu’ils en ont presque fini par en faire un genre à part entière et qu’aujourd’hui une majorité des séries produites tombent dedans, au point qu’il finit par contaminer des genres qu’on pensait à l’abri comme le robot avec Rinne no Lagrange. C’est le genre typique d’histoire sans la moindre ampleur ni ambition qui annihile toute notion de récit au profit d’histoires de type tranche de vie centrées sur les personnages.
Et à ce niveau, encore une fois, la série s’en sort très bien avec un quatuor de héros attachants. De Hôtarô le paresseux à Mayaka la passionnée en passant par Eru et son insatiable curiosité, les vraies stars de la série, et le très détaché Satoshi, tous avaient leurs charmes et leur caractère bien différent rendait leurs interactions assez efficaces et plaisantes à suivre. Niveau personnages secondaires, c’était autrement plus pauvres, mais certains comme la froide Irisu arrivaient a briller lors de leurs apparitions.


Le film amateur du second arc est l’occasion idéale de voir à quel point
KyoAni a progressé depuis le premier épisode de Suzumiya Haruhi

Sauf que des personnages ne font pas tout et qu’ils ont beau conduire la série, il faut bien les occuper et c’est là que le bât blesse. Autant les 3 arcs principaux étaient réussis, intéressants et possédaient une vague notion de continuité via le fil rouge de la fête de lycée (mention spéciale à l’arc qui lui est dédié, ses intrigues parallèles qui se croisent et surtout son remake de la quête des objets de Zelda) autant les loners étaient bien plus irréguliers. Laissés à eux-même, les personnages tournent en rond et s’occupent comme ils peuvent avec des mystères qui feraient rire même les personnages de Gosick. Certains diront que le mystère en lui même n’est pas aussi important que les situations qu’il installe, mais comment ne pas crier à l’imposture devant l’épisode 6 et son prof de math qui s’est trompé de classe parce qu’il a confondu un a et un d minuscule… J’ai failli laisser tomber la série après cet épisode tant il m’a frustré.
Bien sûr, tous les loners ne sont pas mauvais, les trois qui sortent la série de son cadre scolaire (le 7, au ryôkan, le 20, et sa visite au temple pour le nouvel an, et le 22, et sa procession en costume) sont même réussis, et le 19 est un bon résumé des mécanismes de la série, servi par une touche d’auto-dérision bienvenue. Mais ils occupent quand même pas loin de la moitié de la série, et alors que ses meilleurs moments se situent entre les épisodes 8 et 17 (arcs du film amateur puis de la fête du lycée à la suite), elle se termine sur 5 loners assez inégaux. Dommage, il y a là une vraie maladresse dans la gestion du rythme de la série. Maladresse qui se retrouve dans le rythme des épisodes eux-mêmes : la série fait sauter quatre fois le générique de début (épisodes 3, 9, 12 & 21), trois fois le générique de fin (eps 1, 15 & 19) et deux fois les deux ensembles (épisodes 5 & 17), soit neuf épisodes sur vingt-et-un, et le plus souvent sans que le contenu de l’épisode le justifie.

Mais ce qui m’a le plus frappé dans Hyôka, c’est son ambiance pleine de mélancolie, ambiance renforcée par la mise en scène lente et posée. Le thème du regret est même une constante à travers la série, regrets de Sekitani Jun, trahis par ses camarades, regrets de Hongô Mayu et d’Irisu sur l’issue du tournage de leur film, regrets de Tanabe par rapport au fait que Kugayama n’ait jamais lu le scénario d’Anjô… Mais aussi les regrets de Satoshi et Mayaka sur leur drôle de relation, ceux de Satoshi face à ce Hôtarô avec qui il ne peut lutter et ceux d’Eru, regrets qui apparaissent dès la fin de l’épisode 5 : « Il est vrai que dans dix ans je ne me soucierai probablement plus de tout cela. Mais je refuse de croire que ces sentiments que je ressens en ce moment n’auront plus d’importance à mes yeux.« .
Serait-ce les regrets de ce qu’on laisse derrière soit en grandissant, les regrets propre à la réalisation de ce que l’on n’a pu accomplir quand on en avait la possibilité ? Je ne sais pas, mes années lycée sont loin derrière moi et les mécanismes défaillants propres à la mémoire humaine ont achevé de transformer tous les regrets que j’ai pu laisser en souvenirs aigres-doux. Mais nul doute que le motif central de Hyôka se trouve là.


J’en ai pas parlé mais la musique de Tanaka Kôhei, emprunte d’accords
de classique, fait beaucoup pour l’ambiance de la série.

Mais de mon côté, mon vrai regret lié à Hyôka est de voir Kyoto Animation continuer à produire des séries mineures comme celle-ci. En ce moment, alors que le studio jouit d’une situation unique au sein de l’industrie qui lui permet de produire des séries TV d’un tel niveau, il est dommage que ses ressources et que le talents de ses employés soient gâchés sur des animes qui seront portés aux nues par un public qui finira par les oublier dix-huit mois après le début de la diffusion. Quand était-ce la dernière fois que KyoAni a produit une série vraiment ambitieuse ? Ça remonte probablement à la première série TV de Suzumiya Haruhi no Yûutsu, ou peut-être Clannad en accordant plus de mérite qu’elle en a vraiment à cette impressionnante adaptation d’un visual novel en 50 épisodes. Mais depuis… Et qui sait combien de temps cette situation va durer, dans dix ans tout aura peut-être changé et alors il ne leur restera plus que leurs regrets et la mélancolie de ce qu’ils n’ont pu accomplir quand ils en avaient les moyens. Et rien ne semble parti pour changer dans l’immédiat, Chu-ni-byô demo Koi ga Shitai! semble totalement dans la continuité des productions récentes du studio.